Alors que les marchés financiers doutent que l’utilisation de l’intelligence artificielle puisse réellement se traduire par des bénéfices pour les entreprises, certains ont tenté de mettre l’IA au service de l’analyse financière. Qui, parmi les analystes financiers et l’intelligence artificielle, est le mieux à même de lire les comptes et de prédire l’évolution des bénéfices des sociétés cotées en bourse ?
Alex Kim, Maximilian Muhn et Valeri Nikolaev, de l’Université de Chicago, ont récemment publié les résultats d’une étude* qui compare les estimations produites sur la période 1983-2021 par des analystes financiers sur les comptes d’environ 3500 sociétés cotées avec celles produites, sur un échantillon de plus de 15000 sociétés, par un modèle LLM généré avec le GPT-4 d’OpenAI. Il s’agit de chiffres préliminaires provenant d’une étude qui n’a pas encore été examinée, mais qui semblent néanmoins constituer un point de discussion intéressant.
L’analyse a révélé que le modèle LLM était capable de prédire correctement la tendance des revenus de l’année suivante dans 60,35 % des cas. En comparaison, lorsque les analystes financiers font leurs prévisions dans le mois qui suit la publication des documents financiers annuels de l’entreprise, ils sont corrects dans 52,71% des cas. Le niveau de précision des estimations produites par les analystes financiers augmente lorsque la période d’étude des données s’allonge. Trois mois après la publication des documents financiers, le pourcentage de prévisions correctes atteint 55,95 %.
Mais ces chiffres ne disent pas tout. En effet, si l’intelligence artificielle est plus rapide que les analystes financiers pour lire les chiffres d’un document comptable et deviner les tendances, ces derniers peuvent compter sur la possibilité d’acquérir des informations supplémentaires, très utiles dans les phases perturbées de l’économie.
La preuve en est qu’en période de choc économique, comme lors de la pandémie ou en 2008, la performance du modèle LLM chute de manière significative.
À long terme, cependant, l’utilisation de modèles LLM s’avère rentable. L’étude montre comment un portefeuille hypothétique géré selon les indications de l’IA a enregistré un rendement annuel moyen de 12 %, bien supérieur à celui du marché. Et ce, sans que les modèles d’IA n’aient intégré d’informations externes, c’est-à-dire le contexte dans lequel les entreprises ont évolué ces dernières années.
En conclusion, on peut dire que l’étude menée par l’Université de Chicago envoie un message clair. L’intelligence artificielle bat les analystes financiers dans la lecture des chiffres des entreprises cotées, mais ces derniers savent interpréter les nuances qui n’apparaissent pas dans les chiffres. Une indication supplémentaire de la nécessité d’appréhender les nouvelles technologies comme un soutien au travail et non comme un remplacement tout court.